LE DOSSIER : LA POSTVENTION

LE DOSSIER : LA POSTVENTION

DOSSIER : LA POSTVENTION
Stratégies d’intervention après un suicide et accompagnement des endeuillés

Lorsqu’un suicide se produit, les effets sur la famille et les amis sont immédiats et traumatisants. L’impact sur le fonctionnement et la santé mentale des membres de la communauté de vie de la personne ne doit pas être sous-estimé. On considère qu’un suicide endeuille en moyenne 7 proches et impacte plus de 20 personnes. Il est aussi démontré que le risque de suicide augmente significativement dans l’entourage d’une personne suicidée (famille, camarades de classe, collègues de travail, etc.

Les expériences venues d’ailleurs démontrent qu’une prise en charge réfléchie, pratique et structurée peut considérablement diminuer le risque de voir se développer des conséquences négatives liées au suicide.

La postvention correspond à l’ensemble des interventions qui se déploient après un suicide, dans le milieu dans lequel le suicide a eu lieu ou dans les milieux qui étaient fréquentés par la personne décédée. Elle a pour objectifs de diminuer la souffrance individuelle, de renforcer la capacité des individus à faire face à l’adversité, de diminuer les risques de contagion (effet d’entraînement) et de favoriser un retour au fonctionnement habituel pour le ou les milieux touchés.

Qu’est-ce qu’un programme de Postvention ?

Un programme de postvention est un ensemble intégré d’actions et de services, réalisés simultanément ou successivement à la suite d’un décès par suicide dans le but d’offrir aux personnes associées à l’évènement les bonnes interventions aux bons moments.

Les interventions doivent prévoir d’agir à la fois sur les impacts sur le collectif, le ou les milieux et sur les individus pour ainsi diminuer le stress, la souffrance individuelle ainsi que le risque de contagion.

Un programme de postvention comporte des visées d’intervention de deux types :

  • Le premier type consiste à mettre l’attention sur la collectivité/ le milieu en tant qu’entité à part entière, en se donnant pour mission première d’aider le milieu à retrouver un niveau de fonctionnement habituel.
  • Le deuxième consiste à centrer les interventions sur l’individu, en estimant que cela aura également des effets indirects préventifs sur le milieu. L’objectif est alors d’accompagner les personnes touchées en fonction de priorités d’intervention mais aussi de soutenir leur retour à un équilibre émotionnel.

Le milieu touché ne peut, ni ne doit, prendre en charge seul l’ensemble des démarches à mettre en place à la suite d’un suicide. Ainsi, il est recommandé que le programme de postvention établisse à l’avance des protocoles d’entente avec des structures (par exemple œuvrant dans le champ de la santé mentale) sur le plan local ou régional, lesquels devront également soutenir le milieu impacté et proposer des interventions hors de ce milieu, à court et à long terme.

Aucune situation de décès n’est identique à une autre. Il est toujours important d’analyser la situation, d’évaluer les besoins et de mettre en place des interventions multiples et variées, afin d’offrir aux personnes vulnérables les meilleures interventions possibles au bon moment. Le jugement clinique des intervenants de l’équipe de postvention interne à la structure et des intervenants externes est généralement plus approprié que l’application absolue d’un programme générique.

L’Organisation mondiale de la Santé préconise que  les programmes de postvention assurent une intervention sur 3 niveaux :

  • Les interventions ciblées visent particulièrement les personnes exposées au suicide pour lesquels les réactions seront celles du deuil, du traumatisme ou de la crise. Il s’agit des personnes :
        • Endeuillées, c’est à dire qui avaient un lien d’attachement avec la personne décédée (parents, fratrie, famille, amis proches).
        • Qui ont eu une exposition directe au suicide : témoins du geste ou du corps inanimé de la personne

Ce groupe est considéré comme risquant davantage de passer à l’acte suicidaire ou de développer des complications à moyen et à long terme (troubles de santé mentale ou d’usage de substance psychotrope

        • Les interventions sélectives visent les personnes vulnérables : ce sont des personnes qui n’appartiennent pas nécessairement au réseau du suicidé mais pour lesquelles l’impact du suicide rejaillit sur une vulnérabilité préalable   (problèmes de santé mentale, dépendance à une substance psychoactive, antécédents traumatiques ou risque suicidaire) et qui peuvent donc être encore davantage fragilisé par sa survenue.
        • Les interventions universelles visent la population générale, non préalablement vulnérable, qui peut toutefois être touchée et vivre des réactions de détresse suite à la confrontation indirecte avec l’évènement : incompréhension, inquiétude, tristesse,etc.

Exemple d’un programme de postvention en 4 phases

Inspiré des outils québécois, ce programme doit être lu comme un cadre conceptuel sur lequel peut se baser un établissement souhaitant se doter d’un plan de réponse spécifique à un suicide. Les mesures proposées doivent être adaptées aux besoins, aux ressources et aux caractéristiques culturelles particulières de la structure.

Phase 1 : Avant l’évènement : se préparer en amont à faire face au retentissement d’un suicide

Il s’agit de :

        • avoir déjà identifié les ressources internes ou externes à interpeller
        • créer un protocole de postvention ou des ententes de service
        • prévoir le plan d’intervention psychologique
        • préparer les outils pour le personnel et les intervenants qui seront impliqués

Phase 2 : Au moment de l’évènement : assurer la sécurité des lieux et des individus lorsqu’un suicide survient

        • organiser les secours d’urgence, sécurisation des lieux
        • Identifier les proches et les personnes exposées
        • Offrir du soutien immédiat aux témoins
        • Orienter les personnes proches vers un professionnel de la santé compétent si nécessaire
        • Réduire au minimum l’interruption des activités et/ou la fermeture de l’établissement
        • Gérer la communication

Phase 3 : Après l’évènement (1 à 2 semaines) : soutenir les personnes en favorisant le sentiment de compétence et de sécurité du milieu et engager rapidement le retour au fonctionnement habituel

        • Assurer la fluidité du déroulement du plan de postvention et organiser une analyse, gestion clinique et coordination de la postvention
        • Limiter le risque d’effet de contagion et promouvoir l’effet Papageno (transmission des éléments de protection) à travers toutes les formes de communication
        • Soutenir les personnes qui désirent participer aux commémorations, encadrer les rituels dans le milieu et sur les réseaux sociaux
        • Repérer les personnes exposées au suicide (endeuillées et témoins) et faire des démarches proactives auprès d’elles
        • Repérer et identifier les personnes vulnérables afin d’offrir les bonnes interventions aux bons moments, tout en favorisant la mise en place d’un suivi (agir de façon proactive, par exemple par une relance) qui pourra se poursuivre à moyen terme

Phase 4 : Suite à moyen et long terme  (1 an)

Au niveau du collectif :

        • Fournir à l’ensemble des membres de la communauté touchée les informations et les ressources permettant de mieux faire face aux conséquences du suicide et aider le milieu à revenir à ses activités habituelles
        • Guider et accompagner les intervenants qui ont un rôle à jouer dans la postvention et leur offrir du soutien psychologique
        • Adapter les interventions tout au long de la postvention et identifier les mesures d’amélioration possibles pour le futur

Au niveau des individus :

        • Maintenir tout au long de l’année des activités qui renforcent la résilience des individus
        • Repérer les personnes exposées au suicide (endeuillées et témoins) et leur offrir des interventions ciblées
        • Repérer les personnes vulnérables et leur offrir des interventions sélectives
        • Maintenir une vigilance à long terme afin de repérer les troubles de santé mentale qui peuvent se développer à distance de l’événement
        • Offrir les interventions requises en mode séquentiel afin d’éviter le développement de psychopathologies ou de complications reliées à la survenue d’un suicide.

 

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